Nourrir les poissons

Un anthropomorphisme trivial suggère tout de suite plusieurs points à prendre en compte pour nourrir correctement nos animaux :
-  la fréquence des repas, leur volume
-  la nature et variété des aliments
-  la surveillance d’éventuelles carences.

Il convient d’ajouter un autre point fondamental : contrairement à nous, les différentes espèces de poissons, ont non seulement des besoins alimentaires différents, mais pour une même alimentation, c’est de manières différentes qu’ils la trouvent et l’avalent !!

Le vivier “darwinien” par excellence qu’est le lac Malawi en fournit certainement les meilleurs exemples. Un Champsochromis caerulus, redoutable prédateur, sillonne les zones rocheuses à la recherche de ses proies ; Dimidiochromis compressiceps, lui chasse à l’affût souvent cache dans des massifs de Valisnerias ; chez Nimbochromis livingstoni l’affût peut se faire le corps enfoui dans le sable ou la vase pour attirer les trop curieux ; Ninbochromis linni ira les aspirer dans leurs cachettes peu profondes. Chez les “essentiellement végétariens” que sont les M’bunas, frappeurs de pierre, les modes d’alimentation sont tout aussi passionnants, il y a les brouteurs, les picoreurs, les arracheurs,…

Il est donc essentiel d’avoir une connaissance lucide des mœurs de nos poissons. Ceci a, par exemple, des conséquences en aquarium sur la part de chacun : Donnez des moules à C. caerulus et D. compressiceps, et il est garantit que le premier sera plus rapidement gave que le second. Même chose chez les herbivores : donnez un bête concombre à vos M’bunas et les Labeotropheus seront encore en train de le brouter que les Labidochromis auront ingère leur part depuis longtemps (s’ils ont eu le droit de s’approcher ou s’il y avait deux concombres…). La vivacité des espèces est donc un facteur important autant pour la sérénité d’un bac que pour une alimentation adéquate.

L’environnement à conditionné les mœurs des poissons, mais aussi leur morphologie. En ce qui concerne le mode de nourrissage, tous ont configurée gueules, mâchoires et dents a leur appétit ; mais ce n’est pas tout : leur système digestif à aussi évolue avec la spéciation. En particulier la longueur des intestins dépend de la nourriture de base de l’espèce : les poissons dotés d’intestins courts sont généralement des prédateurs, leur estomac est alors important pour stocker les proies ; les herbivores eux ont une conformation opposée : intestins très longs et petit estomac.

Dans nature les poissons ne prennent ni dîner, ni souper, ni petit ou grand déjeuner ! Certains mangent de manière continue ; d’autres pas tous les jours, et seulement lorsqu’un insouciant daigne prendre une place active dans la chaîne alimentaire. Les premiers sont donc essentiellement herbivores, les derniers carnivores. Dans tous les cas, ils saisissent toutes les opportunités de faire ripaille. La littérature classe souvent les poissons en trois groupes (ce découpage peut être bien entendu très affiné : malacophages, fructivores, limnivores,…) :

Les herbivores qui mangent continuellement une nourriture pauvre en protéine, Les carnivores qui demandent une nourriture riche en protéine : ils sont de deux types : les prédateurs “vrais” mangeant peu souvent des proies importantes et les “cueilleurs” se nourrissant de petites proies en nombre (alevins, crustacées, insectes, zooplanctons,…). Les omnivores sont les plus “commodes” pour nous puisque les plus faciles à satisfaire : ils mangent de tout. L’idéal en aquarium est donc de coller au comportement naturel de nos animaux. Ceci nous renvoie encore à ce précepte essentiel : ” ne pas mélanger des poissons qui ne viennent pas du même biotope ” que l’on peut compléter par ” ou qui ne se nourrissent différemment, si l’on ne peut pas s’adapter à la variété de leurs besoins “.

Hélas, tout ceci nous pose plein de problèmes : il n’est guère commode d’être toute la journée à proximité de nos bacs pour assurer la continuité de l’alimentation, de calculer la quantité de nourriture à chaque distribution en équilibrant les parts entre les espèces, de disposer d’une large palette d’aliments pour éviter les carences…

Pour la fréquence, un moyen terme semble satisfaisant pour les hôtes de nos bacs : une fois par jour pour les prédateurs vrais, deux ou trois fois par jour pour les autres. Dans tous les cas, la dose quotidienne est à anticiper. Certains aquariophiles, pour éviter la suralimentation, font jeûner leurs poissons une fois par semaine en utilisant un argument trop juste : ” Personne n’a jamais vu un poisson mourir de faim en aquarium “. Pourtant, je ne le conseille pas : si les animaux doivent jeûner pour garder la ligne, c’est qu’ils ont eu trop à manger les jours précédents, diminuons donc les parts. Pourtant, si vous vous absentez une semaine ou deux, un jeun forcé à peu de chance d’avoir de néfastes conséquences sur des animaux en bonne santé. A votre retour, par contre, prudence : de petites doses de nourriture équilibrée sont souhaitables, pour cela les paillettes sont idéales.

Pour l’heure de distribution, un repas le matin est souhaitable, les éventuels suivants étant étalés dans la journée. Certaines espèces, comme beaucoup de poissons dits de fond, sont “noctambules” : une distribution après l’extinction de l’éclairage peut s’avérer nécessaire.

Pour la dose, il ne faut pas faire confiance aux poissons. Toujours demandeurs, ils mangent tout ce qui leur est offert jusqu’au gavage. Une règle est couramment proposée : ” tout doit disparaître en 2-3 minutes et il ne doit jamais y avoir de reliquats “. Comme toutes les règles, celle-ci n’a jamais prétendu être absolue : il faut tenir compte des particularités de chaque espèce et du type de nourriture. Si vous offrez des moules hachées à vos Characidés ou Alestidés en une minute tout doit être consommé, car c’est un aliment gras et riche, point trop n’en faut. S’il s’agit de daphnies séchées, donnez en plus, soyez plus patient, il n’y à pas grand chose à de nourrissant la dedans… Les Anabantidés eux seront plus lents que des Characidés/Alestidés de taille similaire, c’est bien pour cela qu’ils vaut mieux éviter de telles cohabitations.

Les reliquats ne sont pas forcément à proscrire puisqu’il faudra, par exemple, bien 10 minutes à vos Corydoras pour être repus, évidemment aucune accumulation ne doit être constatée.

Les carences alimentaires se produisent dans deux cas dont nous ne pouvons qu’être responsables : une nourriture trop pauvre et/ou insuffisamment variée. Une anecdote : un amateur, croyant bien faire, était désolé de voir le dos de ces poissons s’infléchir trop vite : ils n’étaient nourris qu’avec des Artémias adultes qu’il élevait lui-même. Le problème à été réglé avec une dose journalière de paillettes… Une alimentation insuffisamment riche et trop monotone était certainement la double cause du problème. Une fois encore les paillettes sont une arme efficace à condition de ne pas être la seule nourriture proposée. Il est une carence qui n’est pas directement alimentaire, il s’agit de la cellulose. Elle est nécessaire à certains poissons, en particulier les Loricariidés qui l’utilisent pour faciliter leur digestion : une souche dans le décor résout le problème.

La composition de la nourriture n’est pas seule importante, sa nature physique est également à prendre en considération. Il est, par exemple, rare de voir un Hypostomus manger en pleine eau ; il attendra que la nourriture soit au sol avant de commencer sa quête : non seulement cela prend plus de 3 minutes, mais il faudra qu’elle aille à sa rencontre : sur le sol. La flottaison est donc un critère pour le choix d’un aliment. Les Loricariidés préféreront une nourriture qui coule, les Characidés une nourriture de pleine eau. Même les Cichlidés, qui iront toujours chercher la nourriture ou elle est, ont des préférences : beaucoup d’Aulonocara et les Géophagus l’aimeront plutôt servie au fond. Précisons une chose sur la flottaison : il y à un piége. Les nourritures sèches, en particulier les granules, augmentent jusqu’a 30% de volume en absorbant de l’eau, c’est là qu’est le piège. J’ai du euthanasier toute une reproduction de D. Compressiceps pour cette raison : ayant eu la main trop lourde, ils s’étaient gavés de granulés encore secs. Les granulés ont gonflé dans leurs estomacs/intestins détruisant vraisemblablement leur vessie natatoire. Le lendemain, tous étaient collés au fond du bac, seuls deux des plus petits en ont réchappé, devinez pourquoi…

Pour finir, quelques remarques et erreurs classiques en vrac :
-  Les Cichlidés ne sont pas tous des carnivores (M’bunas). Il n’y a pas d’herbivores vrais chez les Cichlides (a ma connaissance…).
-  Les Characidés peuvent être de redoutables prédateurs (Piranha), d’autres de voraces amateurs de plantes (Metynnis, un très proche cousin du précédent…) Tous les Loricariidés sont herbivores, mais ils aiment beaucoup les petites proies vivantes. Bien qu’étant des silures à “ventouse”, ils ne sont pas là pour nettoyer les vitres de vos bacs.
-  Tous les silures ne sont pas des Loricariidés…
-  Les Corydoras ne sont pas scatophages, mais omnivores !!
-  Les Botias ont un talent certain pour vider une coquille d’escargot, mais ils ne sont pas uniquement malacophages : ce sont des omnivores et, de plus, des animaux grégaires… Le cœur de bœuf n’est pas une nourriture saine pour les poissons : cela leur abîme le foie.
-  Rincer la nourriture congelée est une nécessite s’il s’agit d’Artémias, vers de vase, krill…
-  La nourriture décongelée depuis trop longtemps doit être considérée comme perdue.
-  Le concombre est une délectation pour tous les herbivores et omnivores.

Méfiance :
-  Si les nauplies d’Artémias juste écloses sont une nourriture riche et parfaite pour nombre d’alevins, il n’en est pas de même pour les Artémias adultes que l’on élève soi-même.
-  Si elles proviennent d’une cueillette en milieu naturel, les nourritures vivantes sont souvent des vecteurs de maladie.
-  Si vous vous absentez une semaine : ne mettez pas une semaine de nourriture dans le bac.
-  Si vous demandez à votre voisin de nourrir vos poissons en votre absence, préparez de la nourriture sèche en enveloppe à raison d’une dose quotidienne par enveloppe ainsi vous retrouverez vos poissons vivants…

Remerciement : Je tient à remercier Corinne Toumi pour sa relecture efficace et les améliorations qu’elle a apportées à ce texte.


Ecrit par Bertrand LE SAEC le mardi 18 juillet 2000

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